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Murs végétaux : la pollution vaincue par le substrat

Une thèse de doctorat montre que les murs végétalisés dépolluants de la société Canevaflor sont efficaces grâce au substrat et non aux végétaux. Certains hydrocarbures sont complètement détruits dans une situation de « parking classique », mais il faut poursuivre le travail pour les autres polluants...

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Utiliser les végétaux pour améliorer la qualité de l'air au sein des villes : l'idée n'est pas nouvelle. Toutefois, l'expérimentation qui a été menée sur les murs végétaux de la société Canevaflor montre qu'à l'instar du traitement des eaux usées en filtres plantés de roseaux ou des piscines biologiques, ce ne sont pas les plantes elles-mêmes qui assurent l'essentiel de la dégradation des polluants, mais plutôt les micro-organismes présents autour de leur système racinaire, c'est-à-dire la rhizosphère.

1 DES POLLUANTS PIÉGÉS OU CONSOMMÉS.

Les murs végétaux Canevaflor se composent d'une structure en gabions électrosoudés remplis d'un substrat spécifique permettant l'enracinement des plantes et leur développement. Ils peuvent être autoportants ou suspendus et s'adaptent à tous les types de supports. Le système d'irrigation automatisé et économe en eau peut être couplé à un système de récupération de l'eau de pluie. La capacité dépolluante du mur fait intervenir l'action des plantes, de leur support de culture et des micro-organismes qui s'y développent. En fonction de leur nature, les polluants capturés au sein du substrat sont piégés ou consommés. Ce procédé fait aujourd'hui l'objet d'études sur deux sites expérimentaux : le centre d'échange de la gare de Lyon-Perrache et la gare RER Magenta, à Paris.

2 LA CROISSANCE DES PLANTES N'EST PAS PERTURBÉE PAR LE FLUX D'AIR POLLUÉ.

Le centre d'échange de Lyon-Perrache a été le premier site à accueillir un mur végétalisé dépolluant Canevaflor : 590 m² sous forme de dix-sept colonnes. Cette réalisation reste aujourd'hui le principal support d'expérimentation de cette technologie. Le Centre d'échange de Lyon Perrache répond aux conditions spécifiques de pollution de type gare de bus, autoroute, parking. Première observation concrète, la croissance des plantes n'est pas perturbée par ce flux d'air pollué.

En 2009, dans le cadre d'un contrat Cifre (conventions industrielles de formation par la recherche), Canevaflor confie à Anne Rondeau une mission de recherche de trois ans. Cette dernière oriente sa thèse de doctorat sur « la compréhension du fonctionnement biologique et physico-chimique d'un biofiltre végétalisé pour le traitement des polluants atmosphériques urbains gazeux ». Son étude porte parallèlement sur le mur végétalisé de la gare de Perrache et sur des prototypes de laboratoire. En 2009, dans le cadre d'un contrat Cifre (conventions industrielles de formation par la recherche), Canevaflor confie à Anne Rondeau une mission de recherche de trois ans. Cette dernière oriente sa thèse de doctorat sur « la compréhension du fonctionnement biologique et physico-chimique d'un biofiltre végétalisé pour le traitement des polluants atmosphériques urbains gazeux ». Son étude porte parallèlement sur le mur végétalisé de la gare de Perrache et sur des prototypes de laboratoire.

3 UN MÉLANGE COMPLEXE DE POLLUANTS.

Les gaz d'échappement renferment un mélange complexe de polluants : gaz carbonique, particules, composés organiques volatils (COV), oxydes d'azote (NOx). Les parkings souterrains concentrent ces différents polluants. Si la réglementation impose une ventilation mécanique pour aspirer et pulser cet air pollué vers l'extérieur, et une surveillance de la qualité de l'air, notamment au niveau du monoxyde de carbone (CO), aucune obligation n'est requise quant à la qualité de l'air rejeté dans l'atmosphère. Le mur végétal Canevaflor combine un système de ventilation et un mur végétal. Cette technologie dynamique permet d'extraire l'air pollué du parking pour le pulser à travers ce filtre naturel au niveau du substrat. Sur Perrache, le système reste avant tout expérimental, seule une faible proportion de l'air aspiré au niveau du parking est dirigée vers les filtres végétaux.

4 UNE ÉTUDE SUR SITE ET EN LABORATOIRE.

La thèse d'Anne Rondeau est centrée sur les BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène), quatre hydrocarbures caractéristiques des émissions liées aux transports. Ils sont de la famille des COV, dont les effets sont très variables selon la nature du polluant envisagé : gène olfactive, irritations diverses, diminution de la capacité respiratoire, effets mutagènes et cancérigènes. Les essais réalisés en laboratoire, à l'école des Mines d'Alès (30), à partir d'un système pilote de six biofiltres, montrent qu'un mur dépolluant de 1 000 m² pourrait traiter 480 kg de BTEX par an, soit jusqu'à 100 % d'abattement pour des concentrations généralement constatées sur parking. En sortie de filtre, on observe une réduction de 70 à 99 % de ces polluants par rapport à l'air entrant (la différence entre ces deux fourchettes dépend essentiellement du taux d'humidité du substrat qu'il convient d'optimiser).

5 LES MICRO-ORGANISMES AUSSI NOMBREUX QUE DANS UN SOL NATUREL.

Ces résultats sont dus à la capacité dépolluante des bactéries présentes dans le support de culture. Le sol reconstitué des murs Canevaflor accueille un nombre important de micro-organismes dans une proportion comparable à un sol naturel. Cette forte présence est due à la nature du substrat et à la diversité de la palette végétale. Les études menées sur le site de Perrache montrent que ces microorganismes se maintiennent malgré les conditions environnementales difficiles et progressent même depuis cinq ans.

6 LES BACTÉRIES TOUJOURS LÀ QUAND ON A BESOIN D'ELLES.

Pour René Rohr, professeur émérite à l'université de Lyon 1 et conseiller scientifique chez Canevaflor, il n'est pas nécessaire d'inoculer les substrats avec des bactéries. Celles-ci se trouvent naturellement présentes dans la rhizosphère des plantes et il suffit d'un changement au niveau d'un facteur environnant, comme la présence d'un polluant, pour qu'un certain type de bactérie se développe rapidement. La dépollution bactérienne dégrade entièrement les polluants pour les transformer en produits simples : eau, CO2..., et ne se contente donc pas de fixer les polluants comme le ferait un filtre à charbon actif. Le taux de dépollution de 99 % de BTEX est observé en laboratoire à une température de 13-15 °C. En conditions réelles, à des températures plus basses, l'activité des bactéries peut être réduite. Toutefois, sur le parking couvert de Perrache, on aspire de l'air chaud en toutes saisons, ce qui laisse supposer une dépollution optimale, même en hiver.

7 ET LES PARTICULES ISSUES DES GAZ D'ÉCHAPPEMENT ?

L'étude n'a pas mesuré l'effet dépolluant du mur quant aux particules issues des gaz d'échappement. Le site de la gare Magenta, à Paris, fait actuellement l'objet d'expérimentations à ce niveau. On estime que le mur végétal installé est à même de retenir entre 40 et 70 % de ces particules, et environ 50 % des oxydes d'azote.

Claude Thiery

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